Louise Wilson
du 22 février 1996 au 24 mars 1996 Abulia
« Six sujets humains en santé participeront à cette expérience qui durera sept jours. À chaque jour, on mesurera la stabilité du regard avant et à plusieurs reprises après les 30 minutes de « rotation du torse ». Ces mesures consistent à enregistrer les mouvements des yeux et de la tête alors que le sujet est en état d’agitation active : a) sa tête, alors qu’il ou elle porte un collier cervical; et b) sa tête. L’agitation active de la tête et du corps se fera dans l’obscurité, en faisant accorder les mouvements à un signal auditif (variations des fréquences : 0,3-3,0 Hz). »
Tiré de The Role of Vision and Neck Inputs during Adaptation to Motion Sickness, Montréal, Université McGill, Unité de recherche médicale aérospatiale.
À la fin des années 1994, j’ai participé en tant que sujet à une étude d’une semaine sur le mal du mouvement. Cette étude examinait les effets de ce qu’on appelait des « mouvements provocants, auto-générés ». Des appareils d’enregistrement – qui seront éventuellement utilisés à bord de la Navette Spatiale – étaient attachés directement à mon corps (pour surveiller les changements neurophysiologiques), en plus de ceux « fixés » de façons oblique, puisque la plupart du temps l’expérimentateur m’observait sur un système de surveillance vidéo depuis une pièce voisine. Une série de mouvements était faite à plusieurs reprises dans l’obscurité, avec mon corps qui bougeait en mesure avec un bip électronique – une agitation contrôlée, une performance au regard fixe destinée à provoquer l’état physiologique lié au mal du mouvement.
Ces mouvements auto-générés en sont venus, depuis, à me sembler des gestes de dénégation ou de résistance. Pour ces mouvements, des électrodes et d’autres mécanismes d’enregistrement jouaient le rôle d’agents de surveillance. Ce n’est que lorsque les données informatiques furent analysées que ma performance malaisée fut entièrement évaluée. La documentation vidéo de cette session est cocasse. Tournées dans l’obscurité à l’aide d’une lumière infrarouge, les images sont bizarres et flottantes. Le sexe, l’âge et tout autre trait distinctif sont confus et vagues. Ironiquement, dans cet espace de laboratoire (idéologique), être une femme s’avérait à la fois incongru et sans pertinence. Le regard fixe était dirigé vers le souvenir d’une cible quelques secondes plus tôt et lorsqu’on visionne par la suite cette documentation, on ajoute mentalement à l’image silencieuse à l’écran le son d’un tic-tac électronique.
-Communiqué de presse (Optica)
Louise Wilson est une artiste britannique qui vit présentement à Montréal où elle poursuit une mâtrise ès arts (beaux-arts) à l’Université Concordia. Son travail a été exposé en Grande Bretagne, en France, en Allemagne, en Slovaquie et au Canada – récemment dans le cadre de Rx à l’Agnes Etherington Arts Center, à Kingstone, et dans ISEA 95 à Montréal. Parmi ses textes publiés, mentionnons « The Electonic Caress » (Public #13, 1996) où elle explore son expérience de sujet expérimental en recherche médicale.