Maria Hoyos, Trabajador cortando caña de azúcar [Travailleur coupant la canne à sucre], Villa Rica, Cauca, 2024. Image extraite d'une séquence vidéo. Avec l'aimable permission de l'artiste. | Image extracted from a video sequence. Courtesy of the artist.
Maria Hoyos
du 2 novembre 2024 au 14 décembre 2024 La zafra
Vernissage : 2 novembre 2024, de 15h à 17h
Présentation publique : 14 décembre 2024, de 15h à 16h
L’artiste transdisciplinaire Maria Hoyos (*lauréate de la résidence Intersections 2023-2024) fait circuler son héritage colombien dans sa production sur les thèmes de l’identité, de la mémoire et du rituel. Hoyos a étudié différentes formes de création et d’éducation artistique en Espagne, en Colombie et à Cuba, pour compléter sa formation approfondie à Montréal, depuis son arrivée en 2002. Elle a obtenu un diplôme de maîtrise en 2023, et présenté ses travaux de deuxième cycle à la Galerie de l’UQAM ; elle a participé à plusieurs expositions collectives et reçu des prix et des distinctions ; elle est membre du Collectif Intervals, et partage son temps entre la création et l’enseignement.
La sensibilité de Hoyos a été profondément marquée par son enfance au milieu des plantations de canne à sucre, à Santiago de Cali. Depuis que le sucre est cultivé dans les Amériques et les Caraïbes, la demande pour cette denrée a façonné l’histoire, le commerce et la géopolitique mondiales, et propulsé une industrie néfaste, entachée par le pouvoir et l’exploitation de la main-d’œuvre. Chez OPTICA, Hoyos présente l’aboutissement d’un corpus critique sur les abus, la violence, la pauvreté et la discrimination que subissent les travailleuses et les travailleurs, dans le passé comme au présent, de pair avec des conséquences environnementales dommageables. Motivée par l’urgence de dénoncer ces tribulations, elle s’inspire du symbolisme des cercles pour exprimer son malaise.
Dans l’entrée, une couronne de fil barbelé recouverte de sucre est pendue au plafond, et soutient des enfilades de perles. Celles-ci flottent au-dessus d’un monticule de terre qui fait office d’hommage au sol non pollué, et d’invitation à apprécier la Terre. Les gestes créatifs impliqués dans la production de cette œuvre d’art sont essentiels à son intention. L’action de donner une forme à des barbelés est douloureuse, mais elle rend humble lorsqu’il s’agit d’évoquer la grande souffrance des coupeuses et coupeurs de canne à sucre. Le fait de manipuler de la terre fait référence à l’agriculture durable. Le façonnage de l’argile en grains de chapelet est méditatif et répétitif ; c’est un acte sacré, accompli avec des femmes réunies dans un cercle. Faisant écho à la participation de l’artiste à des rituels en Colombie, incluant les cercles de prière, la récitation du chapelet et les cérémonies du cacao – ayant tous joué un rôle crucial dans la formation de son identité – les formations circulaires qui composent cette œuvre révèlent le pouvoir de la communauté et de la prière dans une quête d’apaisement spirituel.
Parce qu’ils circonscrivent leurs contenus et les empêchent de se répandre, les contenants circulaires de faible hauteur sont des enceintes à la fois physiques et conceptuelles, matérialisant le plaidoyer de Hoyos pour mettre fin aux cycles mondiaux de corruption omniprésents dans les industries. La canne à sucre séchée, plantée en terre, met en évidence la dégradation du sol et la perte des terres fertiles, magnifiée par le témoignage enregistré d’un coupeur de canne. L’eau symbolise la nécessité d’une irrigation abondante, tandis que les récipients de cendres et de canne à sucre brûlée font référence à la pollution de l’air qui résulte des brûlis précédant les récoltes. Ces incendies facilitent la coupe manuelle, mais ils émettent également des polluants nocifs qui affectent la santé des travailleuses et travailleurs, ainsi que les populations environnantes, couvrant la région de poussière et de cendres. La vidéo documentaire de Hoyos dépeint les corteros – coupeuses et coupeurs de canne à sucre en Colombie – qui tailladent les tiges dans les champs calcinés.
Inspirée par la Collecte de poussières (2000-2001) de l’artiste Raphaëlle de Groot et le concept de l’artiste anthropologue, ethnologue et archéologue développé dans son mémoire de maîtrise, Hoyos joue le rôle d’une scientifique dans le cadre d’une installation composée de cendres et de fragments végétaux carbonisés. Elle a recueilli des échantillons lors d’une visite à Cali au moment des brûlis, et chacun de ces échantillons contient la preuve matérielle du processus nuisible qui les a produits. Dans sa détermination en tant qu’artiste qui cherche à concilier et à nier leur énergie destructrice, elle présente ces spécimens scientifiques dans des boîtes de Petri ; en les isolant dans des environnements stériles, elle honore et purifie ces particules en les transposant comme offrandes.
Ainsi, Hoyos confère à ses œuvres des propriétés curatives. Dans son hommage aux esclaves autochtones et africains, aux corteros et aux travailleuses et travailleurs opprimés à travers le monde, elle exorcise les couches d’agonie enchâssées dans les mémoires collectives, offrant un sanctuaire pour la purification et la consolation. OPTICA devient un espace sacré, un temple pour la réflexion, un lieu de rassemblement et de guérison collective. Un lieu pour envisager les alternatives visant à respecter les besoins humains et le bien-être environnemental, dans le contexte du commerce régi par le capitalisme.
*La résidence Intersections est une initiative une initiative de l’École des arts visuels et médiatiques de l’université du Québec à Montréal en partenariat avec le Conseil des arts de Montréal et OPTICA.
Maria Hoyos tient à remercier le Conseil des arts de Montréal, le centre OPTICA et l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM pour avoir mis sur pied ce programme de résidence artistique, destiné à soutenir les artistes en arts visuels ou médiatiques issu.e.s de l’immigration.
Titulaire d’une maîtrise en création (2022), d’un baccalauréat en arts visuels et médiatiques et d’un baccalauréat en enseignement des arts de l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM, Maria Hoyos est une artiste d’origine colombienne. Profondément attachée à sa ville natale, Santiago de Cali, elle s'intéresse depuis ses débuts à la vidéo, explorant l’image en mouvement pendant ses études à Bogota, à Madrid et à La Havane. C’est au El Instituto Departamental de Bellas Artes de Cali qu’elle découvre l’installation et sa passion pour la matière et le faire. Immigrant au Québec en 2002 où elle a complété ses études, elle a exposé à la Maison de la culture de Rosemont, de Verdun, à la Galerie de l’UQAM, a été commissaire du projet El Barrio, Tu Barrio dans le cadre du Mois de l’héritage latino-américain à Montréal et a participé à l’exposition Mi-lieu à l’Écomusée du fier monde, un partenariat avec la Faculté des arts de l’UQAM. Depuis 2023, elle enseigne les arts dans des centres d’éducation aux adultes et auprès de jeunes de classes d’accueil et en situation de francisation dans les écoles secondaires Jeanne-Mance et Pierre-Laporte. Elle vit sur la terre généreuse d’Abya-Yala, qui désigne en langue Kuna le continent américain avant la colonisation européenne, et sur le territoire non cédé des Premières Nations de Tiohtià:ke/Montréal.
Iris Amizlev est conservatrice des projets spéciaux au Musée des beaux-arts de Montréal. Elle est titulaire d’un doctorat en histoire de l’art et en anthropologie de l’Université de Montréal. Elle a commissarié de nombreuses expositions dans diverses institutions, portant sur ses champs d’expertise, dont l’art contemporain, le Pop Art et le Land Art.