Denis Rousseau
du 23 novembre 1985 au 21 décembre 1985 Travaux
Pour la première fois à Montréal depuis 1981, Denis Rousseau présente son travail: quatre œuvres multi-média, combinant peinture, sculpture, photographie, etc., importantes tant par l'ampleur de leur dispositif matériel que par l'ensemble des connotations qu'elles mettent en œuvre.
Le visiteur se sentira probablement en terrain connu, reconnaissant dès l'abord des références à des lieux de culte familiers, des lieux d'exposition, ou encore des objets de loisirs ou de consommation. La stratégie de Denis Rousseau procède en effet de la fouille, dans son sense technique de mise – à - jour d'artefacts de la culture. Qu'ils proviennent d’un passé culturel proche ou plus ou moins lointain (la niche religieuse, la surcharge du cadre, la fontaine, ou même la parabole du Christ marchant sur les eaux...), la plupart de ces éléments se caractérise par la continuité de leur présence dans notre environnement actuel. Il est ainsi significatif que la pièce Les monotypes dédiés à la mémoire de nos parents (1980-...) soit constituée de photographies d'images télévisées. Ainsi c'est son propre imaginaire que Rousseau met en scène dans ses œuvres, mais en privilégiant cependant des composantes qui l'unissent au spectateur qui les regarde.
Par ailleurs, ses pièces cherchent aussi à opérer une mise en situation de ce regardeur, en lui proposant une interaction ou même parfois en l'incluant. Par exemple, dans Étude de Tentation: œuvre inachevée! (1983), le spectateur peut accéder à une tribune et entrer dans une alcôve, devenant ainsi lui-même objet de culte, que l'ironie se charge cependant de problématiser aussitôt. Sa curiosité peut aussi s'exercer autour de tiroirs, pourvus d'orifices ou grand ouverts, où il ne trouvera probablement, encore là, que lui-même, confronter à sa culture. Performance (1982), quant à elle, lui permet d'actionner une pédale qui, en même temps qu'elle fait s'agiter une paire d'ailes auréolées, lui permet l'identification au Christ marchant sur les eaux. Le spectateur comme enjeu central de l'œuvre se trouve ainsi directement figuré en celle-ci.
Du même coup, troisième volet de la stratégie de Rousseau, il est aussi confronté et mis à distance: questionné en quelque sorte sur son rapport aux divers objets de cultes, divers culte de l'objet, et sur son implication face à la culture et à la société qui l'entourent. Les titres des pièces sont d'importants indices à cet égard: ainsi Oeuvre politique, sans titre (1984), avec ses sous-titres Cétacé clair et Introspection. Ils constituent bien plus que des simples descriptifs; et il faut bien plutôt y voir de véritables aphorismes, incitant à la reconsidération de l'ensemble des œuvres présentées. Cette mise en demeure qu’exercent les pièces de Rousseau est cependant toute modérée; fondée comme elle l'est sur l'ironie, cette politesse du désespoir, comme il se plât à le souligner. Ce qu'illustre très bien ce tableau, extrait de "Oeuvre politique, sans titre", d'une baleine plongeant dans la met et dont on ne voit que la queue, et auquel est accolé ce sous-titre: Cétacé clair.
- Communiqué de presse (Optica)