Sylvie Readman
du 28 novembre 1987 au 20 décembre 1987 Don Quichotte et la photographie
« La vérité de Don Quichotte, elle n'est pas dans le rapport des mots au monde, mais dans cette mince et constante relation que les marques verbales tissent d'elles-mêmes à elles-mêmes. La fiction déçue des épopées est devenue le pouvoir représentatif du langage. Les mots viennent de se refermer sur leur nature de signes. »
– Michel Foucault, Les mots et les choses.
Dans un sens figuré, Don Quichottte est en fait un personnage qui s'est échappé de la littérature. Sa conception du monde s'est constituée à partir d'une accumulation de lectures qui ont fini par créer des images qu'il tente en vain de retrouver à travers toutes ses aventures. Ainsi chez ce personnage, les références sont inversées, sa vie devient un roman et les romans sont pour lui des documents historiques. C'est par ce procédé que Cervantes questionne les codes et concepts de la littérature, en particulier ceux des récits chevaleresques.
En reprenant fiction de ce personnage, je me suis mise à établir des parallèles avec la photographie. Pour Don Quichotte celle-ci se présente comme un prolongement du monde, mais dans sa quête incessante, il se bute constamment à la matérialité de l'image. De part cette négation de la frontière entre le réel et l'imaginaire, Don Quichotte se présente ainsi comme une figure emblématique de mon champ d'intérêt en photographie axé sur l'indissociation de l'illusion et du réel.
Dans ce projet, ce personnage littéraire qu'est Don Quichotte est transposé en personnage photographique afin de tenter de poser un questionnement sur les codes et les concepts des pouvoirs poétiques de l'image photographique.
Cette transposition métaphorique du personnage littéraire au personnage photographie m'a permis de développer certains thèmes spécifiques à la photographie tels que la fascination qu'exerce sur nous le redoublement photographique du réel. Il me semble que tout comme le spectateur qui regarde une photographie, Don Quichotte fictionnalise le réel sans jamais y avoir accès. J'ai cherché également à travailler le thème du miroir de deux manières différentes: l'une comme étant une représentation de l'imaginaire du personnage et l'autre figurant comme une mise en abîme du médium photographique lui-même.
La liste de ces thèmes pourrait être développée davantage, mais je pense que c'est une tâche qui revient au spectateur, c'est à lui de la poursuivre en regardant l'oeuvre elle-même.
Mon intérêt pour ce personnage légendaire réside bien sûr dans le rapport qu'il entretient avec la photographie mais aussi dans le personnage lui-même; bien qu'il surgisse du Moyen-âge, Don Quichotte nous parle du fossé qui existe entre les mots et les choses. C'est ce qui fait pour moi sa pertinence, son actualité.
-Sylvie Readman
- Communiqué de presse (Optica)
Sylvie Readman est une artiste de Montréal. Elle a exposé en solo à la galerie Articule en 1982, à la galerie Dazibao en 1984 et à la Chambre Blanche en septembre 1987. Elle a de plus participé aux expositions «Fragments – Photographie actuelles au Québec» organisée par la Galerie Vu en 1984 et «Narrativité-Performativité» à la Galerie Optica, organisée par C. Boulanger et J.C. Rochefort en 1985. Elle a de plus réalisé en janvier 1985 un film Super 8 couleur qui fit projeté à la galerie Dazibao et à la Galerie Vu en 1986 et 1987. Ses photographies ont été publiées dans Scénarios, essai de C. Boulanger publié en 1985, et dans le numéro spécial Femmes et photographie de la Nouvelle Barre du Jour en 1984.
Bibliographie
Dumont, Jean, La Presse, samedi 28 novembre 1987.
Gravel, Claire, Le Devoir, samedi 12 décembre 1987, p. C-9.
Guilbert, Charles, « Don Quichotte et la démarche », Voir, 10 au 16 décembre 1987, p. 19.
Legrand, Jean-Pierre, « Mise en scène d'une perspective », Vie des arts, #131, juin 1988, p. 70.