Jean-Luc Vilmouth
From November 3rd 1984 to November 24th 1984 Sculptures
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"La Stratégie du Réduve Masqué : Roger Caillois fait mention, dans un des chapitres de « Méduse et Cie » qu’il consacre au mimétisme animal, du cas du Réduve Masqué (Reduvius Redivivus) qui se dissimule en accumulant sur son corps la poussière qu’il gratte alentour avec ses pattes. L’X que Jean-Luc Vilmouth présentait en 1980 relevait d’une procédure voisine : un parallélépipède de bois brut enduit de colle était recouvert par le pigment raclé au sol dans un périmètre suffisant et soufflé sur l’objet. On pourra bien sûr ne voir là que l’effet singulier du hasard, et pourtant...aucune économie utilitaire ne justifie le geste de l’insecte par rapport à celui de l’artiste : comme l’explique Caillois, le mimétisme est inutile, sinon nuisible ; les ennemis des insectes sont attirés par l’odeur ou par le mouvement, très rarement par l’aspect de la proie. Et d’ailleurs il y a luxe de précautions, excès de simulacre (...). Il arrive ainsi que le Réduve Masqué se recouvre d’une poussière brillante et colorée plus propre à attirer le regard qu’à le distraire, et certaines chenilles ressemblent tellement à des feuilles qu’elles se dévorent entre elles : les scientifiques appellent hypertélie cet excès de zèle de la nature qui déjoue les interprétations trop simples (Sevro Sarduy appliquait cette notion aux travestis, plus féminins que leur modèle social dans leur désir de parâtre et de séduire...). Claude Gintz explique fort bien comment dans le vitrail de Vilmouth la rigueur de la motivation ruine également toute idée de finalité fonctionnelle : une très belle pièce de 1979 montre un marteau qui semble n’avoir servi qu’à creuser la cavité dans laquelle il repose, inutile ; la cause se résorbe dans son effet, le bibelot s’abolit et le marteau, pour filer la référence poétique, s’offre sans mâtre (en l’occurrence, sans titre).
Toute l’œuvre de Vilmouth me parât pourvoir se déployer à partir de ces deux repères que sont l’X et le Marteau sans Mâtre. Si la volonté d’exclure l’arbitraire du procès de travail trouve son origine dans l’histoire récente de l’art, la technique ou plutôt la stratégie (Claude Gintz souligne qu’elle est ironique ou fatale) mise en place a beaucoup à voir avec ce mimétisme que Lacan définit comme donnant à voir « quelque chose en tant qu’il est distinct de ce que l’on pourrait appeler un lui-même qui est derrière » : les objets qui se découvrent en se dissimulant sous une accumulation de matière (la série des cut-out, la Ménagerie du soir, Odyssée), les ustensiles dont une précise chirurgie révèle le masque menaçant, les footballeurs – caméléons qui se parent des écailles noires et jaunes de leur ballon renvoient (il y a une cause) mais tout est gratuit (il n’y a pas de raison) et cependant nécessaire. Probablement cette finalité sans fin qui est la définition kantienne de l’art... D’une certaine façon, Vilmouth choisit – comme l’avant – garde abstraite des années trente, sans le déclarer, d’imiter la nature non dans ses formes mais dans son fonctionnement, mais il pervertit ce choix en imitant la nature quant elle se mêle d’imitation, c’est-à-dire dans son aspect le moins économe et le moins rationalisable."
- Press release (Optica)